2001 L’Odyssée de l’Estaque, Libération février 2001

Il y a quelques années déjà que Robert Rock Rossi, figure emblématique du groupe de hard rockeurs marseillais Quartiers Nord (fondé en 1977), en rêvait : rendre hommage à la grande époque de l’opérette avec Vincent Scotto, Alibert, Darcellys, Réda Caire mais un hommage à notre façon qui mêlera auto parodie, verve méridionale et rock.

C’est chose faite. 2001 L’Odyssée de l’Estaque se veut ainsi une farce musicale et délirante autour des mythes d’un Marseille outrageusement populaire et vaniteux. Car s’il y a bien une chose à laquelle il ne faut pas toucher, c’est la cité phocéenne elle-même. Ici, il s’agit d’en rire, avec tendresse, des personnages hauts en couleurs et en musique. Le rock se heurte joyeusement à la musette, au reggae et au blues sur un scénario digne d’un bon vieux Pagnol : Arblade abandonné tout bébé dans une poubelle est élevé par Angèle, une femme de ménage au coeur d’or amoureuse de Réda Caire. Dans un dernier soupir, Angèle révèle son terrible secret : Arblade est le fils illégitime des amours de de son idole et d’une groupie anonyme. Le jeune homme part alors à la recherche de sa vraie maman … Voila qui promet. Précédé d’un CD (sorti en décembre) qui reprend tous les morceaux du spectacle et créé sur la scène du théatre du Gyptis en janvier dernier, cet étonnant pari, le premier du genre, est repris pour deux soirs à l’Espace Culturel Busserine.

Quartiers Nord, spectacle 2001 L’Odyssée de l’Estaque, presse, Libération février 2001

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2001 L’Odyssée de l’Estaque, La Provence 12 janvier 2001

Comédie musicale au Gyptis

Quartiers Nord, les joyeux iconoclastes

Avec 2001 l’Odyssée de l’Estaque, le groupe Quartiers Nord prouve une belle vitalité scénique, via une « opérette-rock » hilarante et sans tabous.

Qui c’est cet orchestre ? Quartiers Nord !
Quartiers Nord ? Mais ils sont pas morts ?!

C’est par ce dialogue en voix off, pendant que les musiciens s’installent en fond de scène, que démarre la comédie musicale de l’ année… 2001 l’Odyssée de l’Estaque. Un dialogue qui donne le ton. Quartiers Nord commence par se moquer de lui-même, pour mieux pouvoir ensuite se moquer des autres. Car, sincèrement rebelles et révoltés comme seuls des rockers auront pu l’être dans l’univers musical de cette fin de siècle , les Quartiers Nord, vieux groupe de rock marseillais, font feu de tout bois, de l’OM à la Bonne Mère, ne respectant rien des traditionnelles icônes marseillaises. En fait, ils plongent plus loin leurs racines, dans le joyeux temps de l’opérette, mettant ici leur talent au service de Réda Caire en particulier, ombre planant sur tout le show, et de l’opérette marseillaise en général, avec partie de pêche, soupe d’esques, Estaque et Belle-de-Mai.

Le langage est cru, les gestes parfois obscènes, l’anticléricalisme pas loin d’être primaire, mais le tout, farce musicale totale, est une réussite évidente. D’abord parce qu’on en sort avec un air qui vous trotte dans la tête (ici même les mouettes br-on-onzent…), ensuite parce qu’on s’aperçoit qu’on a ri tout du long, et enfin parce que quand on analyse le spectacle force est de constater qu’il est parfaitement structuré, mis en scène avec intelligence (par Yves Fravéga), écrit avec un humour décapant (par Gilbert Donzel, Robert Rossi, Edmonde Franchi et Jean-Marc Valladier), le tout sur des compositions peut-être étonnantes mais jamais de mauvaise qualité (signées Alain Chiarazzo pour la musique, Rossi et Donzel pour les paroles).

Évidemment, un tel satisfecit ne suffit pas, et il y a sûrement des hauts et des bas dans ce 2001, mais il fallait oser mêler comme ils l’ont fait le style « opérette » et le style « rock », il fallait oser mettre des cuirs et des santiags pour camper un ravi, s’improviser acteur quand on a toujours été chanteur, travestir la Bonne mère pour en faire une chanteuse jalouse, mêler sans hiatus l’héritage de Réda Caire et les guitares sonnantes du hard-rock des années 70. Sans oublier un zeste de reggae.

Évidemment, on est très loin des comédies musicales parisiennes dont on parle d’abondance dans les médias, de Notre-Dame de Paris aux Dix commandements. Pourtant, 2001 l’Odyssée de l’Estaque participe à sa manière du même phénomène de retour à des histoires chantées, à de grandes fresques mises en musique et en scène.

Avec des moyens financiers mille fois moindres Robert Rossi, Alain Chiarazzo, Gilbert Donzel, Edmonde Franchi, Marie Démon, Frédéric Achard, et tous leurs camarades de cette épopée, nous proposent pourtant un spectacle mille fois plus vivant, qui n’avait pas sa place ailleurs que sur la scène d’un théâtre. 2001 nous révèle d’ailleurs, en théâtralisant ainsi la musique, combien les chansons vraies (celles de Quartiers Nord ou de Réda Caire, peu importe) sont avant tout de petits morceaux de vie mis en scène, avec toute l’exagération du théâtre. On assiste ainsi sur scène du Gyptis (jusqu’à samedi) à une sorte de retour au sources, et de la tradition marseillaise, et de la vocation chansonnière. Chapeau bas.

Patrick Coulomb

Quartiers Nord, spectacle 2001 L’Odyssée de l’Estaque, presse, La Provence 12 janvier 2001

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