Quartiers Nord, Suspect (discographie QN02)
  • 1. Incrusté dans un WC

    (Rossi/Chiarazzo)

  • 2. Engatse sur le 31

    (Rossi/Chiarazzo)

  • 3. Le blues du platrier

    (Rossi/Chiarazzo)

  • 4. Baumettes les bains

    (Rossi/Chiarazzo)

  • 5. Pré-Hu

    (Rossi/Chiarazzo)

  • 6. Blondo le travelo

    (Rossi/Chiarazzo)

  • 7. "Charles" - Hymne au clodo chantant

    (Rossi/Chiarazzo)

Musiciens

Hannibale « L’ois » CHIARAZZO Le fracassé de Malpassé Guitares-vocauxs
Jean-Luc « Choukroun » AYOUN Le moisi de Boufarik Guitare basse-vocaux
Roberto « Rock » ROSSI The bouc Vocal
Pierre « Abraham » BEDOUK Le feneck de Babel Oued Batterie-vocaux
Philippe « Aldo » TROISI Le renard de St Louis Guitare-vocaux

Notes techniques

Album enregistré et mixé au studio L’Étoile à Marseille durant le mois de mars 1981
Remastérisation studio RISK (Salon) – novembre 1998

Conception pochette originale Studio Jean Grisoni
Illustration pochette originale Michel Morosoff
Conception design livret 1999 Denis Rocchia [Orkéo]

LP 1981
CD 1999

Lexique

Angatze peut se comprendre de diverses manières suivant le contexte. Ici : « Grosse embrouille ». « S’engatzer sur » : se mettre à fond dans.
A ouf Gratuit
Baumettes (Les) Prison de Marseille
Barjot Jobard (en verlant)
Cabestron Pauvre mec
Caguer (s’en) s’en foutre
Emboucané Empesté
Fatiguer Travailler
Filer Donner
Gari’ Bar de Marseille
Minot Enfant
Opéra Quartier chaud de Marseille
Pré-Hu Pré-Humain
Reléguer Massacrer
Rétamer Tabasser (dans le texte)
Rue d’Oran siège des stups à Marseille
31 Ligne de bus traversant les quartiers nord de Marseille

Remerciements

Antoinette Borello voix de garage
Pierrot le Barlettan accordéon baveux
Michel Parmentier de Batna un peu de claviers
Jean-Louis Dart’ percussions acoustiques
Viviane et Vero + Blondo du Bd Michelet pour leur âme merveilleuse
Et Charles : souvenir et dévotion à ce saint homme

Et un autre vinyle-culte de remastérisé, un !

(Critique réalisée en toute objectivité)

Et pas des moindres ! En ces temps de trouble et d’interrogations, où notre civilisation occidentale voit avec effroi s’écrouler un à un et avec fracas les piliers d’airain qui supportaient, et avec quel panache, les tables de la loi de nos valeurs morales, celles-là même que l’on supposait gravées pour l’éternité dans la pierre la plus dure au fronton du temple inviolé de nos certitudes béates , quel réconfort d’apprendre qu’une des données majeures qui sous-tendent les fondements de notre pauvre inconscient collectif confronté à une crise identitaire chronique, est à nouveau à portée d’oreille, dans une qualité digitale remastérisée frôlant une quasi-perfection absolue ! (Et je pèse mes mots.)

1981 : Après le coup d’essai de  » QN 001 « , opus éponyme chroniqué dans ces colonnes, tonitruant joyau qui plantait déjà dans la couenne malsaine de l’apathie ambiante, les impérissables jalons d’une saga héroïque dans laquelle, exigence artistique de tous les instants, recherche du mythique riff parfait, et tentatives réussies de dynamitage des poncifs éculés se conjuguaient au plus-que-parfait du superlatif, notre groupe de nouveaux amis , parvenus en très peu de temps au sommet de leur art avec la déconcertante désinvolture de ceux que les Dieux du Rock’n’Roll ont touché de leur grâce, récidive dans le gras, le saignant et le chromé, avec  » Suspect « , mon préféré à jamais, clé de voûte de diamant de la flamboyante épopée de Lois’ , Rock’, et de leurs petits camarades de jeux…

« Suspect » : un enregistrement de légende, qui, pareil aux meilleurs Mouton-Rotschild et Château-Yquem des grandes années, se bonifie et s’apprécie au fil des ans, et qui laisse perdurer avec délice sur nos tympans émerveillés, bien longtemps après l’extinction des derniers feux de la fête, comme la fragrance subtilement veloutée d’un mur sonore vibrionnant de six-cordes saturées, que vient relever avec malice et tout en finesse la roborative tonicité d’ une pointe bien martelante d’un bouquet chatoyant de tempos binaires trop carrés pour être vrais . Et là, je pose la question : mérite-t’on vraiment un tel déluge de bonheur auditif ? Notre capacité d’absorption de telles quantités de joie à l’écoute de ce disque ne risque-t’elle pas d’atteindre rapidement un seuil de saturation gravement préjudiciable à la fragile intégrité fonctionnelle de nos réseaux neuronaux, si peu rompus d’ordinaire à d’aussi massives doses d’intense félicité jubilatoire ? L’enregistrement de cette pierre angulaire si injustement méconnue de l’histoire du rock hexagonal se fit en Mai 1981 aux Studios de l’Etoile à Marseille, sous le regard bienveillant du propriétaire des lieux, René Baldaccini, homme de goût à l’impeccable brushing Mike Brandt, talentueux Pygmalion d’artistes cependant plus souvent habitués aux reprises d’  » El Bimbo  » pour baptêmes arméniens, et sous la supervision maniaque du sorcier du son de l’époque, le désormais célèbre Bob Giorgi,  » le Phil Spector de Château-Gombert « , à qui tant de grands noms de la chanson française, comme Maria de Rossi, Bézu, ou Franck Fernandel, pour ne citer qu’eux, doivent leur son inimitable, un son que tout programmateur radio qui se respecte, de L.A. à Plan-de-Cuques, est capable de reconnaître dès les premières mesures de caisse claire. Lois’ et Troïsi aux grattes,

Jean-Luc Ayoun aux lignes de basses, Pierre Bedouk (le seul batteur de Marseille qui se parfumait à la pomme verte, et dont le patronyme américanisé de  » Peter B.Duke  » figure en bonne place au dos des pochettes des plus grands albums de jazz-rock des années 80), Roberto Rock’ Rossi à l’explosage des malheureux micros qui n’en demandaient pas tant, assistés par tout un background de célébrités de l’époque, comme Toinette Borrello, Pierrot le Barlettan, Michel Parmentier de Batna, et l’inquiétant J.L Darth’ ( mystérieux homme de l’ombre, en réalité personnalité de premier plan de la finance internationale) , participèrent à des degrés divers, dans une ambiance studieuse, mais cependant torride, à l’élaboration des différents joyaux qui furent ensuite délicatement déposés au creux des sillons de ce LP mythique…

Plongeons nous donc dans les profondeurs sonores de ce pur miracle musical : Ecoutons par exemple « Incrusté dans un W.C », lancinant hymne guerrier et sauvage, qui fut malheureusement refusé pour représenter la France au concours de l’Eurovision de la chanson 1981, pour des raisons qui nous échappent encore… Quelle fracassante entrée en matière(s) ! Ouais, l’allusion est quelque peu glauque, mais Bernard Henry Levy fait la même dans son dernier ouvrage :  » Quartiers Nord : pour une relecture philosophique de la réthorique flamboyante de ces troubadours des temps modernes , Editions du Fioupélan nuque-longue ». Régalons donc nos conduits auditifs de « Engatze sur le 31 », « Pré-Hu », « Baumettes-les-Bains », « Blondo le Travelo », tous à réécouter jusqu’à plus soif, tant le ciselé des mélodies et des sons s’imbrique parfaitement pour faire résonner en nous ce que nous avons de plus bestial et de plus authentique . Cependant, comme si cela ne suffisait pas à nous laisser en sueur, pantelants et ébahis, ( un peu comme après une semaine entière passée sur une île déserte à tester les nouvelles molécules qui remplaceront le Viagra, en compagnie des nominées aux Hot d’Or 1999), sachez que ce disque contient deux des morceaux-cultes du vingtième siècle, ceux-là même qui ont fait douter en leur temps Franck Zappa et Eric Clapton sur le bien-fondé de la poursuite de leur carrière : je veux parler bien évidemment du « Blues du plâtrier », éternelle bluette que des générations de jeunes aux cheveux gras ont scandé jusqu’à plus soif, une canette de Kro vide à la main, et de « Charles, hymne au Clodo Chantant », pour lequel il faudrait inventer de nouveaux concepts sémantiques, tant il est difficile de traduire par de simples mots le message hors du temps que délivrent avec emphase les plages musicales de cette œuvre majeure…

« Suspect » de Quartiers Nord : comment avez-vous donc pu réussir à vivre jusqu’à présent sans lui ?

Si vous n’êtes pas déjà en train de cliquer frénétiquement sur la fonction :  » mettez-m’en douze douzaines, et en vitesse !  » , c’est donc que vous refusez d’ouvrir toutes grandes les portes du Paradis ! Vous risquez donc de recevoir par retour de courrier un magnifique buste en plâtre de 60 centimètres à l’effigie de Georgette Plana , dédicacé par l’Artiste. Tant pis pour vous.

Texte : Jean-Marc Valladier