Le Parler Gras, lettre A

Affaire : « Ho Loule ! J’ai des portables en affaire, ça t’intéresse ? « . Ce qui est en affaire est d’une manière générale tombé du camion, voire bougé. Sous nos latitudes, force est de constater que les containers de marchandises ont une fâcheuse tendance à perdre leur étanchéité. Oxydation accélérée ? Aléas du climat ? Ondes telluriques ? Le mystère reste entier…

Aganter , aguinter : du patois local gantchou , crochet utilisé sur les ports. Pour des raisons de sécurité, on aguinte désormais sans crochet, c’est moins dangereux pour les aguintés. Heureusement. Imaginez ce que ça aurait donné dans le clip du tube éternel  » Aguinte-moi les alibofis  » : un court-métrage gore. Aguintage, aguinterie, aguintement, aguintation, aguintissade, aguintissement, ne sont pas utilisés, et c’est tant mieux. En provençal, les vieux disaient aussi pessuguer. Leurs lointains descendants, qui portent des joggings trop larges, des baskets hypertrophiées et des casquettes à l’envers disent pécho.

:  » Ane  » en provençal. Décliné en une série d’expressions châtiées que l’on entend malheureusement trop rarement dans le Morbihan :  » Ho, tronche d’aï, t’y arrêtes un peu de faire ta roulade ? « . Ça marche aussi avec  » con d’aï  » ou  » teste d’aï « .

Aïgue :  » A l’aigo sau lei limaçoun, ne’n a dei gros e dei pichoun !  » , littéralement :  » A la saumure les limaçons ! Y’en a des gros et des petits !  » Tel était le chant mélodieux des marchandes d’escargots d’antan qui avisaient de leur passage la mère de famille marseillaise, affairée qu’elle était devant ses fourneaux. Il faut dire qu’à l’époque, la ménagère de moins de cinquante ans n’était pas encore sinistrée par la béate contemplation des haletantes cascades de l’échevelé Inspekteur Derrick ou des démêlées amoureuses sans fin de Pamela qui a trompé Brandon avec Kevin (qui en réalité est amoureux de Bob), lequel vient lui-même de rompre avec Samantha pour aller se jeter dans les bras de Jennifer juste à la fin de l’épisode précédent.
Citons aussi pour mémoire tubado sus l’aigo, version fifre et tambourinaïre de Smoke on the water, hymne sauvage et déjanté du festival de heavy-galoubet d’Ensuès-la-Redonne.Aïoli : Mixture aillée que nous envie le reste du monde. Jeunes gens à la mode, vivez avec style, étonnez vos amis ! Ne loupez pas le prochain trip tendance : les barres chocolatées à l’aïoli !

Alibofis : Les inséparables amies du sguègue. Les alibofis vont toujours par deux, sauf parfois après accident de Malaguti ou filade à coup de manche de pioche. Ceux qui veulent se la jouer érudit pourront toujours sortir à un auditoire subjugué que ce vocable évocateur vient de l’aliboufier, nom générique du Styrax officinalis, arbuste bien connu (?) pour sa résine balsamique et surtout pour ses fruits au bel aspect d’alibofis. Voir  » Aguinte-moi les alibofis « , ou sa version édulcorée  » Taquine donc mes génitoires « .

Le Parler gras extrait 1

An pèbre, littéralement :  » l’an poivre  » en provençal. L’An pèbre semble ramener l’objet narratif à une strate géologique très ancienne, certainement antérieure au Crétacé, mais pas beaucoup plus. On peut tout à fait se foutre comme de l’an quarante d’un évènement qui date de l’an pèbre.

Le Parler gras extrait 2

A ouf : Se dit de l’obtention d’un bien sans passer par la case paiement. C’est tout de même plus agréable. Attention : acquérir un bien en affaire, ou tombé du camion, ne signifie pas forcément l’avoir à ouf (et inversement). A noter que cette expression a donné lieu à un néologisme pied-noir : aoufiste, qui désignait le resquilleur.

Api :  » Céleri  » en provençal.  » Ho, tronche d’api , t’y arrêtes un peu de faire ta roulade ? « . C’est bizarre,  » con d’api  » et  » teste d’api « , ça marche pas. Comme quoi, on fait pas toujours ce qu’on veut. A la différence de la trigonométrie en milieu alcalin, le parler marseillais, c’est une science, mais pas exacte. Aque : Avec.  » Oh, çui-là, qué roulade aque sa nuque longue ! « .

Arapède : Patella vulgata, famille des Patellidés. Mollusque vivant scotché à mort sur les rochers, et par extension, mec dont il est très difficile de se dépéguer. (Voir péguer )

Le Parler gras extrait 3